Français : Tronc Commun (Toutes filières)

Semestre 1 Devoir 3 Modèle 1

 

 

Professeur : Mr  MAHTANE Hicham

 

I- Texte

 

(L’action se déroule en Corse, Antoine, le fils unique de la veuve Severini, est tué par Nicolas Ravolati avec un coup de couteau.)

Il n’avait laissé ni frère ni proches cousins. Aucun homme n’était là pour poursuivre la vendetta (1*). Seule, la mère y pensait, la vieille.

Toute seule, tout le long du jour, assise à sa fenêtre, elle regardait là-bas en songeant à la vengeance. Comment ferait-elle sans personne, infirme, si près de la mort ? Mais elle avait promis, elle avait juré sur le cadavre. Que feraitelle ? Elle ne dormait plus la nuit, elle n’avait plus ni repos ni apaisement, elle cherchait, obstinée. La chienne, à ses pieds, sommeillait, et, parfois, levant la tête, hurlait au loin. Depuis que son maître n’était plus là, elle hurlait souvent ainsi, comme si elle l’eût appelé, comme si son âme de bête, inconsolable, eût aussi gardé le souvenir que rien n’efface.

Or, une nuit, comme Sémillante se remettait à gémir, la mère, tout à coup, eut une idée, une idée de sauvage vindicatif et féroce. Elle la médita jusqu’au matin ; puis, levée dès les approches du jour, elle se rendit chez les voisin prier qu’on lui donnât deux bottes de paille. Elle prit de vieilles hardes qu’avait portées autrefois son mari, et les bourra de fourrage, pour simuler un corps humain. Elle avait dans sa cour un ancien baril défoncé, qui recueillait l’eau des gouttières ; elle le renversa, le vida, l’assujettit contre le sol avec des pieux et des pierres ; puis elle enchaîna Sémillante à cette niche, et elle rentra.

Elle marchait maintenant, sans repos, dans sa chambre, l’œil fixé toujours sur la côte de Sardaigne. Il était là-bas, l’assassin.

La chienne, tout le jour et toute la nuit, hurla. La vieille, au matin, lui porta de l’eau dans une jatte ; mais rien de plus : pas de soupe, pas de pain.

Le lendemain, ayant piqué un bâton dans le sol, devant la niche de Sémillante, elle noua dessus ce mannequin, qui semblait ainsi se tenir debout. Puis elle figura la tête au moyen d’un paquet de vieux linge.

La chienne, surprise, regardait cet homme de paille, et se taisait, bien que dévorée de faim.

Alors la vieille alla acheter chez le charcutier un long morceau de boudin noir. Rentrée chez elle, elle alluma un feu de bois dans sa cour, auprès de la niche, et fit griller son boudin. Sémillante, affolée, bondissait, écumait, les yeux fixés sur le gril, dont le fumet lui entrait au ventre. Puis, la mère fit de cette bouillie fumante une cravate à l’homme de paille. Elle la lui ficela longtemps autour du cou, comme pour la lui entrer dedans. Quand ce fut fini, elle déchaîna la chienne.

D’un saut formidable, la bête atteignit la gorge du mannequin, et, les pattes sur les épaules, se mit à la déchirer.

La vieille, immobile et muette, regardait, l’œil allumé. Puis elle renchaîna sa bête, la fit encore jeûner deux jours, et recommença cet étrange exercice.

Pendant trois mois, elle l’habitua à cette sorte de lutte, à ce repas conquis à coups de crocs. Elle ne l’enchaînait plus maintenant, mais elle la lançait d’un geste sur le mannequin. Elle lui avait appris à le déchirer, à le dévorer, sans même qu’aucune nourriture fût cachée en sa gorge. Elle lui donnait ensuite, comme récompense, le boudin grillé pour elle. Dès qu’elle apercevait l’homme, Sémillante frémissait, puis tournait les yeux vers sa maîtresse, qui lui criait : « Va ! » d’une voix sifflante, en levant le doigt.

Guy de Maupassant, Une vendetta, 1883

 

II- Compréhension (10 pts)

 

  1. De quel type de texte s’agit-il ? Justifiez votre réponse par deux indices.
  2. Quelle est la focalisation adoptée ici ? Justifiez votre réponse et recopiez un passage représentatif.
  3. Relevez ce qui montre que la chienne partage la peine de la vieille ?
  4. Pourquoi la vieille a-t-elle décidé d’affamer sa chienne ?
  5. A-t-elle réussi à atteindre son but au début ? Justifiez par une phrase relevée du texte.
  6. Relevez quatre mots appartenant au champ lexical de l’agressivité.
  7. « Cette nouvelle est fictionnelle et invraisemblable. » Cette proposition contient une information fausse ; Corrigez-la et justifiez votre réponse.
  8. Repérez dans le texte un sommaire narratif et précisez sa fonction.
  9. Selon vous, quel rapport peut-il y avoir entre le titre de la nouvelle et le passage ?
  10. Que pensez-vous de la manière dont la vieille dame a apprivoisé sa chienne ? appuyiez votre point de vue par un argument.

 

II- Production écrite (10 pts)

 

Il vous est arrivé d’être l’instrument (l’outil) d'une terrible vengeance par l’un ou l’une de vos amis (es).

Racontez dans quelles circonstances ? Qu’avez-vous ressenti ? Quelles leçons avez-vous tirées de cette expérience ?

Critères de rédaction :

  • Respect de la consigne,
  • Respect de la structure narrative,
  • Cohérence textuelle (enchaînement des idées, emploi des connecteurs temporels…)
  • Correction de la langue (respect de la construction des phrases, concordance des temps, précision du vocabulaire, respect de l’orthographe).